Texte Marc Dugain - Musique Philippe Sarde
Adaptation, mise en voix Thomas Gaubiac
Voix Cécile Leterme – Thomas Gaubiac
Accordéon Rodrigue Fernandès
Production – Rosa M avec le soutien de l’AMI – Malesherbes
Projet accompagné par la Ligue de l'enseignement FOL d'Eure et Loir
Création à l’Atelier Musée de l’Imprimerie – Malesherbes (45) dans le cadre de l’édition 2024 de la Nuit de la Lecture.
Lecture musicale : un film pour les oreilles ?
Depuis 2020, à l’initiative de l’AMI atelier musée de l’imprimerie de Malesherbes, la compagnie Rosa M a donné vie à une série de lectures musicales pour deux voix et un accordéon.
Portées par les voix des acteurs et la musique, elles invitent l’imaginaire de l’auditeur-spectateur à travailler. Par l’écoute. L’accordéon, instrument-orchestre, accompagne sans jamais illustrer et développe un climat-écrin où s’épanouit le récit.
Conçues comme des films à voir avec les oreilles, ces lectures offrent un moment de plaisir collectif, rare et suspendu, exigeant et ludique, qui permet de goûter à l’écrit autrement.
Deux petites tables, deux chaises, un micro sur chaque table, un musicien sur une chaise derrière un pupitre noir. Des petites lampes pour lire le texte-partition posé sur la table. Rien de plus.
Dispositif simple, très simple, s’adaptant à tous les espaces, destinés à tous les espaces (sans restrictions) : salles de classes, amphithéâtres, musées, hôpitaux, salles de bal, de concert, salons, salles à manger, restaurants, théâtres, foyers. Partout où l’on pourra s’asseoir et écouter, s’abandonner pour voyager avec des mots, avec des notes.
Gueules cassées, vies bousculées.
Neuf millions de morts dont un et demi de Français, quatre millions de blessés dont un demi-million, touchés à la face… la Grande Guerre voit naître et évoluer la chirurgie maxillo-faciale « plus largement, pour permettre à ces hommes et ces femmes mutilés de reconstruire leur identité ». Des parcours sensibles, longs et difficiles auxquels Marc Dugain dans son roman La Chambre des officiers, publié en 1998, aux éditions JC-Lattès, tente de rendre hommage.
Adrien est un jeune homme beau, diplômé, ambitieux avec une touche d’insouciance lorsqu’il part au front, dans la Meuse, en 1914.
Mais de la Grande Guerre, Adrien, grièvement blessé dès son arrivée, ne connaîtra que le Val-de-Grâce et la chambre, sans miroirs et sans reflets, dédiée aux officiers blessés de la face. Une pièce où « chaque détail, l’ordre méticuleux qui régit cette salle donnent à penser qu’on attend du monde. Les couvertures sont au carré, les bassins soigneusement disposés sous les lits. »
Adrien, premier arrivé dans cette « Chambre des officiers », accueillera au fil des jours et des mois, ces combattants blessés, comme lui, à la différence près que « ceux qui vont le rejoindre auront des souvenirs de combat, de corps à corps, de grandes offensives, alors qu’il a été abattu sans jamais croiser le feu, ni même le regard de l’ennemi et qu’il ne pourra jamais raconter à ses enfants à quoi ressemble un Allemand. »
Adrien les soutiendra dans l’acceptation de leurs blessures et leur envie de vivre. Ces « esquintés de la trogne » devenus « le miroir des autres » n’ont d’autres possibles que de se rattacher à des souvenirs heureux pour continuer à se battre. Ensemble, ils affronteront les étapes de leur reconstruction physique – « On l’a libéré de son ouvre bouche qui ne donnait pas les résultats espérés. La pince en bois qui lui a succédé a également déçu. On lui a finalement préféré le sac de charbon, qui prend appui dans la mâchoire inférieure à l’aide de cordelettes. »
Mais faut-il encore affronter ce face-à-face avec soi-même et avec les autres… « Sous l’impulsion des anciens, la communauté des blessés de la face s’organisera, s’exprimera. Certains écriront des poèmes à la gloire des hommes sans visage », à « ces réparés » en quête d’identité.
Partir à la guerre, jeunes, volontaires et vaillants, et en revenir – quand cela a été possible – le corps brisé.
Panser les plaies et se reconstruire. Un autre défi de la Guerre ?